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Français à l’étranger au quotidien : la dématérialisation
Dans le cadre d’une série de 9 entretiens sur les thèmes majeurs concernant les Français établis hors de France, nous avons interrogé Alexandre Holroyd et Roland Lescure, respectivement députés de la 3ème et 1ère circonscription des Français à l’étranger sur le thème de la dématérialisation des documents.
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4 ans agoon
Français à l’étranger : Roland Lescure, en préparant l’interview, vous m’aviez dit « La dématérialisation, c’est le combat de ma vie ». Pourquoi ?
Roland Lescure : Oui. J’ai vécu dix ans à Montréal. Quand je suis arrivé avec mon permis de conduire français, j’ai pris rendez-vous avec la Société des assurances automobiles du Québec et je suis sorti une heure plus tard avec mon permis de conduire québécois. Dix ans plus tard, j’arrive en France. Je prends rendez-vous avec la préfecture de police de Paris et je rends mon permis de conduire québécois. On me donne un document qui me permet de conduire, pas de louer une voiture et je ne reçois mon permis de conduire français que deux mois plus tard ! Cela montre bien l’ampleur de la tâche que nous avons pour toutes les démarches administratives notamment les enjeux relatifs aux passeports. Ayant vécu ces petites difficultés administratives à Montréal, maintenant que je suis élu des Français d’Amérique du Nord, je souhaite porter ce combat pour les aider à simplifier leur vie quotidienne.
FAE : Alexandre Holroyd, que se passe-t-il avec les passeports ? Nous avons fait une émission d’une heure le 12 février 2021 avec les Français du Royaume-Uni et la question qui revenait le plus souvent était : “Au secours, mon passeport !”. Pourquoi cela bloque-t-il ?
Alexandre Holroyd : Ce qu’il faut comprendre c’est que le consulat, quand on habite à l’étranger, c’est l’embouchure de tous les différents services de l’État. C’est le point d’entrée vers la France et l’endroit où vous irez le plus régulièrement pour refaire votre passeport. En effet, la condition de votre vie à l’étranger, c’est votre titre d’identité. C’est ce qui prouve votre identité, que vous êtes français et vous êtes obligé de le refaire tous les dix ans. Beaucoup de collègues me disent : “Une fois tous les dix ans, ça n’est pas très grave, il n’y a pas de problème pour aller au consulat”. Ce qu’ils n’envisagent pas c’est qu’il y a beaucoup de Français à l’étranger qui habitent loin d’un consulat et qui ont plusieurs enfants. Quand vous vous dites que vous devez aller au consulat deux fois : une fois pour faire la demande et une fois pour récupérer votre passeport, vous multipliez ça par quatre enfants et une femme, cela signifie y aller plusieurs fois par an. En multipliant cela par la distance que vous avez avec le consulat, je pense notamment à nos concitoyens qui habitent en Australie, en Russie ou au Canada par exemple, cela peut être terrible. De plus, c’est une particularité française. Dans la majorité des pays européens, il n’y a pas ce besoin de double-comparution. Je me suis donc saisi de ce sujet et ai fait un rapport pendant la crise parce qu’il y a eu un moment de tensions particulières avec des passeports qui périmaient et des Français à l’étranger qui ne pouvaient pas en récupérer un nouveau. J’ai donc fait des propositions pour que l’on puisse avoir une seule visite au consulat au lieu de deux. Et nous devons progresser vers un objectif de réduire à quelques jours l’émission d’un titre d’identité. Cela n’est purement que de l’administratif. En effet, l’organisme qui produit les passeports est extrêmement efficace. Il s’agit de l’Imprimerie nationale qui les imprime et les renvoie au consulat très rapidement. Cela est fait en quelques jours. C’est donc purement une question d’amélioration des « process »internes à l’administration publique, une question de volonté politique. C’est ce que Roland Lescure et moi poussons, avec beaucoup de force, depuis quelques mois voire des années.
FAE : Roland Lescure, est-ce le Ministère de l’Intérieur qui bloque ?
R.L. : D’abord, il y a eu un certain nombre de progrès. Dans certaines circonscriptions, comme la mienne, il n’y a plus de double-comparution mais une seule. C’est-à-dire que si vous demandez à ce que l’on vous renvoie votre passeport par lettre recommandée, vous pouvez l’avoir. In fine, on pourrait très bien avoir les mêmes démarches à l’aller. Je connais beaucoup de Franco-américains qui vivent aux Etats-Unis. Il suffit de renvoyer son passeport par la poste avec un chèque et une photo et on vous renvoie votre passeport.
Maintenant, les passeports sont biométriques. Dans le temps, on allait prendre nos empreintes et il n’y avait pas d’autre solution parce que cette empreinte était mise sur le passeport. Tout est biométrique aujourd’hui et je pense que nous avons un petit enjeu politique qui est que c’est le rôle du Ministère de l’Intérieur. Évidemment, aujourd’hui, vous ne pouvez plus passer une frontière sans que votre passeport, si vous êtes contrôlé, passe par une machine. Je pense donc qu’il y a un enjeu de volonté politique. Alexandre Holroyd et moi en avons beaucoup parlé avec le Gouvernement. Je pense que le Président de la République est sensible à cela et nous avancerons et y travaillons très fort. Le rapport d’Alexandre nous a aidé car, comme il disait, les circonstances particulières de la crise ont fait que, d’un seul coup, le bouchon dont on parlait est devenu le périphérique aux heures de pointe ! Il y a eu énormément de retard qu’il a fallu rattraper.
FAE : Nous avons interrogé le secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger sur ces questions de dématérialisation des documents administratifs : Monsieur le Ministre, durant vos vœux que vous avez prononcés depuis notre Ambassade de France à Rome, vous avez annoncé la création prochaine d’un service dématérialisé pour répondre à toutes ces questions qui s’appelle “France consulaire”. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Jean-Baptiste Lemoyne : France consulaire est un service que nous allons déployer de façon expérimentale dans le courant de l’année 2021 pour pouvoir apporter une réponse téléphonique, mail, 24h/24h aux Français établis hors de France et les accompagner dans leurs démarches. Certains pays seront concernés pendant la phase d’expérimentation puis, en 2022, un déploiement plus large.
FAE : Quels pays seront en première ligne ?
J.-B. L. : Les pays européens seront dans la première phase puis on élargira. L’idée est de faciliter la vie des Français à l’étranger car l’administration, c’est souvent compliqué. Et il y a un sujet sur lequel je travaille avec Amélie de Montchalin qui s’occupe de la fonction publique. On fait des petites pressions amicales vis-à-vis de notre collègue du Ministère de l’Intérieur sur le sujet d’un renouvellement du passeport qui puisse être initié par voie dématérialisée. L’Irlande l’a fait donc la France peut le faire. Nous avons besoin de faire évoluer nos dispositifs législatifs pour cela mais c’est mon ambition : faciliter la vie des Français de l’étranger. Il s’agit donc d’éviter les déplacements notamment sur la question des passeports car le renouvellement devrait pouvoir être plus facile lorsqu’on l’a déjà fait une première fois. Tout cela rentre dans notre chantier de dématérialisation qui me semble être indispensable pour une France qui se veut être à la hauteur du 21ème siècle.
FAE : avec des objectifs en la matière, quand est-ce que cela sera possible?
J.-B.L. : C’est un chantier que l’on vient d’ouvrir donc il ne se réalisera pas demain mais on espère après-demain. Ce que je peux vous dire c’est que nous allons nous mobiliser très fortement. Dans l’immédiat, dès lors que vous voyez que vos dates de péremption arrivent, signalez-vous pour rentrer dans la file prioritaire.
FAE : Roland Lescure, nous sommes dans des déclarations d’intention avec des objectifs. Nous ne sommes pas encore dans le concret, qu’est-ce que ceux qui nous écoutent peuvent attendre légitimement comme changement dans leur vie quotidienne ?
R.L. : On peut d’abord noter ce qu’a dit le Ministre sur « France consulaire », c’est très important. Aujourd’hui, lorsque vous êtes au Canada, au Royaume-Uni ou ailleurs et que vous voulez interagir avec l’Administration française, soit vous passez par le consulat qui est bouché, soit vous appelez en France et le numéro 0 800 n’est pas disponible. La plateforme France consulaire va être très importante, il s’agira d’un pas de géant vers la fluidification des relations des Françaises et Français de l’étranger avec leur administration. Sur le passeport, je pense que l’on a besoin de pousser. Jean-Baptiste Lemoyne l’a dit, Rome ne s’est pas faite en un jour. On représente, Alexandre et moi, plus de 600 000 Français, on peut imaginer une expérimentation qui se fasse au Royaume-Uni ou à Montréal, à New-York ou à San Francisco qui permettrait de montrer que cela fonctionne dans des pays où il n’y a pas réellement d’enjeux de sécurité. Parfois les lettres recommandées peuvent se perdre mais la poste canadienne, britannique ou américaine marchent comme la poste française. Plutôt que de faire un pas de géant, on peut commencer à faire quelques petits pas qui montreront aux autres que cela est possible et que nous avons réussi à transformer en profondeur ces démarches.
A.H. : On parle ici des titres d’identité, passeports et cartes nationales d’identité. C’est le sujet le plus sensible. Il ne faut pas fermer les yeux sur ce qui a déjà été fait. Je pense aux certificats de vie qui inquiétaient beaucoup nos concitoyens que nous avons mutualisés pour qu’il n’y ait plus besoin que d’un document et qui sont mis en ligne entièrement. Je pense également au Registre des Français à l’étranger. Il reste cette question des titres d’identité qui a la particularité de concerner chaque Français qui vit à l’étranger. Sur ce sujet, ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est une décision politique claire. Peut-être que cela mettra six mois ou un an ou peut-être qu’il faudra passer par une expérimentation. C’est ce que je suggère dans mon rapport avec une expérimentation sur quelques postes consulaires particulièrement importants. Mais il faut une déclaration claire du Gouvernement qui dit que notre objectif est d’arriver à faire un passeport plus rapidement en un temps défini avec une visite au consulat. C’est vers cela que nous pourrons travailler ensuite collectivement pour trouver la meilleure façon de le faire. Une des choses très importantes, c’est que l’accès à un titre d’identité est fondamental dans une société. Il est donc clair que nous devons faire attention aux normes de sécurité. Mais ce que je dis dans mon rapport, c’est qu’il n’y a pas de dégradation de la sécurité avec une amélioration de la procédure qui est en place aujourd’hui. Donc s’il faut une expérimentation de quelques semaines, mois ou années, allons-y. Mais ayons une volonté claire et définie. L’objectif est de rejoindre l’ensemble des pays développés, avec une population de plusieurs dizaines de millions préoccupés par des questions de sécurité et d’avoir un système de remise de titres d’identité efficace.
FAE : La dématérialisation et la simplification des démarches passent aussi par une expérimentation : celle des élections consulaires qui arrivent. C’est l’occasion de prouver que l’on peut faire des choses en ligne sans se déplacer.
A.H. : Absolument. Nous nous étions engagés, en 2017, à ce que ces élections soient dématérialisées et elles le seront en 2021. Au regard des conditions sanitaires qui sont, à certains endroits, inquiétantes et à d’autres non, j’encourage nos concitoyens à voter en ligne. C’est non seulement plus simple pour eux et, d’un point de vue sanitaire, plus pratique. La situation sanitaire nous met devant l’impératif de progresser de façon rapide sur ce sujet. La crise fait remonter les carences administratives là où il y en a. Aujourd’hui, nous arrivons à une élection pour laquelle nous nous étions engagés à la faire de façon numérique et elle le sera avec évidemment la possibilité de voter à l’urne si quelqu’un le souhaite.
R.L. : L’important c’est que, en faisant cela, les Françaises et les Français de l’étranger vont montrer l’exemple à tous les Françaises et les Français. Aujourd’hui, nous avons un enjeu de participation démocratique aux élections nationales. En montrant que, partout dans le monde, des centaines de milliers de Françaises et Français peuvent voter à distance, cela peut ouvrir la voie à une modernisation de toutes nos élections sur le territoire national. Peut-être l’élection présidentielle mise à part qui reste la reine de toutes. Voter à distance, c’est très simple : un e-mail à jour, un numéro de téléphone à jour pour recevoir un SMS et vous votez.
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